« Il faut é-vo-lu-er », voilà le maître-mot (à défaut de maîtres-ses spécialisé-e-s) du Ministère de l’Éducation nationale : on nous explique que les « vieilles structures » que sont les SEGPA (section d’enseignement général et préprofessionnel adapté), les CLIS (classe pour l’inclusion scolaire) et les EREA (établissement régional d’enseignement adapté) vont devoir « évoluer en dispositifs » (prétendument innovants bien sûr).
L’Education nationale accumule un retard très important pour la scolarisation des enfants en situation de handicap. L’an dernier plus de 250 000 élèves en situation de handicap ont été scolarisés, ce chiffre augmentant ces dernières années d’environ 10% par an. Le ministère répond à cette hausse sur la quantitatif au détriment du qualitatif, puisque cela se passe à moyens constants.
Les personnels enseignants travaillant dans ces structures sont en théorie des enseignant-e-s spécialisé-e-s, titulaires d’un diplôme spécifique et issu-e-s du 1er degré, des professeur-e-s d’enseignement professionnel (la moitié sont déjà aujourd’hui des emplois précaires recrutés sans formation pédagogique ni spécialisée), et des enseignant-e-s de lycée-collège (PLC) qui en ont fait le choix, ou qui sont amené-e-s à effectuer une partie de leur service en SEGPA.
Si on veut faire évoluer le modèle scolaire vers une école réellement inclusive pour les enfants en situation de handicap, il ne suffit pas de décréter leur accueil dans les classes générales en en faisant porter la responsabilité sur les enseignant-e-s ou sur des précaires sous payé-e-s, non suffisamment formé-e-s les uns comme les autres. Il faut construire une école capable de prendre en charge la diversité des besoins des élèves. Cela nécessite de changer pas mal de choses de la maternelle à la terminale, des engagements en termes de formation initiale et continue, des moyens supplémentaires et la réduction des effectifs par classe.
Ce n’est pas le choix qui est fait par le ministère. Au contraire, comme le montre le plan testé en avant-première dans l’académie de Grenoble, l’éducation spécialisée devrait faire les frais d’une adaptation aux politiques d’austérité :
Remplacement des structures SEGPA par un dispositif « inclusif », sur le modèle des actuelles ULIS (unités locales pour l’inclusion scolaire) : l’année prochaine, dans certaines académies expérimentales, tous les élèves de CM2 seront orientés en classe de 6e ordinaire au collège, sans moyens ni formation à la hauteur. Conséquence directe : la dissolution des moyens consacrés à la grande difficulté scolaire (on peut évidemment s’attendre à ce que ce merveilleux dispositif se poursuive les années suivantes pour les autres niveaux).
« Remplacement » de postes d’enseignants-éducateurs en EREA par des AED (assistant d’éducation) qui ne seront ni formé-e-s, ni qualifié-e-s. Avec la grande précarité de leurs contrats, ces remplacements ressemblent beaucoup à des suppressions.
Intégration des RASED au sein d’un Pôle Ressource de circonscription : changement des missions des personnels qui interviendront sur un secteur plus large et devront surtout intervenir en direction des enseignant-e-s et des écoles (au détriment de l’aide directe aux élèves) et suppression de postes par non renouvellement des départs à la retraite. Encore une diminution des moyens quantitatifs et qualitatifs pour les élèves les plus en difficulté.
Suppression de nombreux postes SESSAD.
Arrivée des « parcours CLIS » dans les écoles, dans des conditions confuses. Encore une dégradation des conditions de travail des personnels et des conditions d’apprentissage des élèves.
Dans ces conditions, parler d’inclusion est une escroquerie. On maintient formellement la structure d’accueil, mais élèves et enseignant-e-s se retrouvent dans une situation impossible. L’inclusion est d’autant plus une illusion que les classes sont surchargées, que les départs en formation spécialisée sont quasiment inexistants dans leurs volumes et dans leurs contenus... À cela s’ajoute le fait que les effectifs des ULIS n’ont cessé d’augmenter et qu’à chaque rentrée des élèves se retrouvent sans solution de scolarisation adaptée à leurs besoins.
On voit aujourd’hui se profiler une politique de suppression de moyens que l’on n’avait pas encore connue à ce niveau dans ce secteur. Supprimer des postes au nom de l’inclusion, les gouvernements précédents l’avaient déjà fait... au nom de l’intégration.
SUD éducation affirme que tous les élèves ont le droit d’être pris en charge par des personnels formés et qualifiés, dans le respect des choix des familles et de la notification de la MDPH. La stabilité des équipes est une condition nécessaire au bien-être et à la réussite des élèves.
Pour une école de l’égalité des droits, SUD Education revendique que tous les moyens de l’éducation spécialisée soient mis au service d’une véritable politique d’inclusion scolaire. Cela passe notamment par :
Des temps en classe avec leurs enseignant-e-s, des temps commun avec les élèves de leur classe d’âge, une inclusion lorsque c’est possible et que cela correspond à des objectifs pédagogiques clairs.
Une amélioration des conditions de travail et de la formation des enseignant-e-s spécialisé-e-s, des PLP et des PCL intervenant en SEGPA. Il faut notamment mettre fin à l’inégalité que subissent les PE en SEGPA en alignant leur obligation de service sur celle des certifié-e-s, à 18h. Il faut arrêter d’envoyer des PE non spécialisés contre leur volonté dans l’ASH.
Le refus de la dilution des SEGPA dans un dispositif d’inclusion flou et forcément inefficace dans les conditions actuelles de scolarisation au collège.
La réduction des effectifs par classe, avec la définition de plafonds nationaux (20 élèves maximum en collège ordinaire, 16 en éducation prioritaire, 12 en SEGPA, et des dédoublements nationaux sur la moitié des horaires d’enseignement dans toutes les matières.)
La titularisation des accompagnant-e-s des élèves en situation de handicaps sans condition de concours ni de nationalité.