Benoît Hamon, fraichement nommé ministre de l’Éducation de Manuel Valls, vient de subir un camouflet au Conseil supérieur de l’éducation du 5 mai dernier concernant ses projets sur les rythmes scolaires.
Après une période de grand flou, où il était question « d’assouplissement », puis « d’expérimentation », puis de « nouveau cadre réglementaire », puis « de ne rien s’interdire », etc., les choses sont désormais aussi claires qu’elles peuvent l’être dans le cadre du bricolage constant du ministère sur cette question : il s’agit de conserver le cadre de la réforme Peillon et de répondre uniquement à une partie des difficultés des mairies - les seules dont les demandes ont été prises en compte.
Déclaration de SUD éducation au Conseil supérieur de l’éducation exceptionnel sur les rythmes scolaires du 5 mai 2014
A l’occasion d’un CSE exceptionnel convoqué lundi 5 mai, le nouveau ministre de l’éducation nationale Benoit Hamon a soumis au vote le projet de décret sur les expérimentations de rythmes scolaires dans les écoles. Ce texte a été nettement rejeté : 31 voix contre, 3 pour et 27 abstentions. Aucune organisation syndicale n’a soutenu ce texte, la CGT, FO, le Snalc, le SNUipp et SUD éducation ont voté contre, le SGEN et l’UNSA se sont abstenus.
Pour SUD éducation, il vise à imposer la réforme des rythmes en répondant à une partie des difficultés financières des mairies et en cherchant à diviser les professeurs des écoles par la perspective du regroupement des activités périscolaires sur un après-midi.
Le camouflet subi par le ministère ne signifie pas pour autant une hostilité générale à la réforme des rythmes et n’empêchera pas le décret de s’appliquer. Seules nos mobilisations permettront de faire reculer le gouvernement !
Monsieur le ministre,
Les expérimentations prévues par le projet de Décret que vous soumettez au CSE ce jour donnent la possibilité :
1. d’organiser les heures de classe sur 8 demi-journées par semaine (dont 5 matinées obligatoirement) au lieu de 9 car il sera permis « de regrouper les activités périscolaires sur un après-midi par semaine, ce qui permettra aux maires, notamment en milieu rural, de faciliter l’organisation des activités périscolaires et de faire des économies d’échelle » selon les mots mêmes du ministre.
2. « … d’alléger les semaines [de 24 heures de classe] en raccourcissant les vacances scolaires. »
Cette inflexion du Décret Peillon de 2013 ne répond en rien à l’essentiel des problèmes de la réforme des rythmes, combattus par les personnels mobilisés depuis la rentrée 2013.
Réunir sur un après midi les activités périscolaires répond uniquement aux préoccupations des mairies puisqu’elles vont, selon les mots mêmes du ministre, pouvoir « mieux organiser les activités périscolaires et faire des économies d’échelle ». Mais vous imaginez sans doute que le « gain » d’une demi-journée doit contribuer à la paix sociale ! D’autre part, tandis que le Décret Peillon permettait déjà le maintien de journées de 6 heures dans un cadre dérogatoire, ce qui, rappelons-le, est un non sens au vu des préoccupations pédagogiques affichées par la réforme, on peut craindre que cette expérimentation ne les amplifie. En effet, il faudra bien rattraper l’après-midi non travaillé.
La deuxième expérimentation, avec l’allègement des semaines [de 24 heures de classe] en raccourcissant les vacances scolaires » est pour nous inacceptable. Elle va dans le sens d’une annualisation du temps de travail des personnels puisque le statut des PE prévoit bien 24 h hebdomadaire devant élèves. D’autre part elle permettra aux communes de « municipaliser » le calendrier jusque là national des vacances scolaires pour amputer de près d’une semaine et demi de classe (36h) les vacances et d’économiser ainsi ce temps en centre aéré.
En fin de compte, cette réforme des rythmes se révèle comme ce qu’elle est depuis le début : un outil de la territorialisation de l’école et des statuts ; elle n’améliore en rien les conditions d’apprentissages et de réussite des élèves et s’intéresse plus au périscolaire qu’à une vraie réforme du temps scolaire. Pour un nombre encore plus important d’élèves sans doute avec votre Décret, les journées de classe seront plus longues. En outre, si le choix est fait de regrouper les activités périscolaires sur un après-midi, il faut exclure le vendredi parce que les élèves se retrouveraient privés de classe pendant 2 jours et demi, ce qui est une nouvelle contradiction au regard du souci affiché pour les élèves : la réussite des élèves. Enfin, à propos des aspects financiers et des charges reposant sur les communes, au-delà des « économies d’échelle », rien n’est réglé : le fond de péréquation destiné à compenser les dépenses des collectivités (150 euros par an et par enfant) n’est toujours pas reconduit. Les inégalités territoriales pourront continuer à se creuser.
On comprend la signification de votre décret : il faut déminer la situation, chercher à diviser les personnels, étouffer les oppositions, des mairies en particulier, ce qui était devenu une nécessité pour le gouvernement après la déroute des élections municipales. Et tant pis pour les élèves, puisque la concentration des activités périscolaires sur une journée aboutira à maintenir trois journées complètes de 6 heures ! Tant pis pour les personnels dont le statut et les vacances sont remis en cause par l’annualisation. Mais comme les élèves, ils passent après ! La territorialisation et la rupture du cadre national de l’école primaire restent au cœur de la réforme, détricotée ou pas.
Même avec l’intégration de certains amendements, le projet de décret que vous présentez ce jour resterait inacceptable pour nous. Il ne règle aucune des difficultés de la réforme des rythmes ainsi que nous venons de le rappeler. Par conséquent la Fédération SUD éducation et Solidaires se prononcent pour un refus de vote sur chacun des amendements et votent contre le projet de décret.
Nous revendiquons la réouverture de négociations qui permettent enfin de mettre à plat l’ensemble des problématiques, afin d’aller enfin vraiment vers une organisation du temps scolaire conforme aux besoins des élèves et aux intérêts des personnels, sans aucun tabou : il faut prendre en compte les contenus et les pratiques pédagogiques. L’éducation sportive, musicale et plastique doit rester dans le cadre des apprentissages scolaires et non glisser vers des parcours culturels dans le cadre de la coéducation. Il faut aussi enfin poser la question de l’uniformité du temps scolaire pour l’école maternelle et élémentaire. Réalise-t-on que les élèves en première année de maternelle sont presque quatre fois plus jeunes que les CM2, sur le point d’intégrer le collège ? Un même rythme hebdomadaire pour tou-te-s vraiment ?
[rouge][fond argent]Nous ne pourrons compter que sur nos mobilisations pour imposer l’abrogation de cette réforme, la suspension de sa mise en œuvre et une tout autre réforme pour l’école, ses élèves et ses personnels. C’est le sens de la campagne que la fédération SUD éducation a relancé sur le thème : « Rythmes scolaires, on ne lâche pas l’affaire ! » [/fond argent][/rouge]