SUD éducation lutte pour une autre école, une autre société. Nous pensons qu’il est impossible de construire l’école que nous voulons dans la société telle qu’elle est, faite d’inégalités et de rapports de domination. Nous voulons donc changer la société. Mais nous pensons aussi que l’école peut et doit être transformée. Cela suppose bien entendu des changements nationaux de politiques éducatives, et donc des luttes nationales. Mais nous pensons également que des expérimentations de pratiques pédagogiques alternatives sont souhaitables, à la fois parce qu’elles permettent dès maintenant de faire vivre autre chose, et parce qu’elles permettent de tracer des jalons pour la société et l’école que nous voulons, qui ne pourra se dessiner que sur la base de pratiques mises en œuvre, testées et corrigées par l’expérience de terrain.
Certaines de ces expérimentations peuvent être faites par l’enseignant-e seul-e, d’autres supposent un travail d’équipe. Pour celles qui impliquent un travail d’équipe, certaines peuvent se faire dans le cadre institutionnel et réglementaire « normal », mais d’autres appellent des dérogations et des aménagements.
La possibilité légale de telles expérimentations est prévue et encadrée par l’article 34 de la Loi d’orientation pour l’avenir de l’École du 23 avril 2005 :
« Sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations, pour une durée maximum de cinq ans, portant sur l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’organisation pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers d’enseignement scolaire. Ces expérimentations font l’objet d’une évaluation annuelle. »
Ces expérimentations supposent souvent un engagement et une volonté de l’ensemble d’une équipe. L’effectivité de la possibilité d’expérimentations ambitieuses peut donc être dépendante de mesures dérogatoires en ce qui concerne le mouvement des personnels et les affectations, pour permettre la constitution et/ou le maintien d’équipes de volontaires engagé-e-s dans un projet. Ces dérogations aux règles des mutations et au barème n’ont rien à voir avec la multiplication arbitraire des postes à profils ou avec les dispositifs régressifs (comme ECLAIR) que veut imposer l’administration, et que SUD éducation combat résolument. Dans un cas il s’agit de mesures imposées par l’administration dans une logique régressive, dans l’autre il s’agit de projets portés par des collègues dans une perspective émancipatrice.
Notre organisation syndicale est pluraliste, sur le plan pédagogique comme sur d’autres plans. Elle entend le rester. Elle n’a bien entendu pas à trancher à l’avance entre différentes options pédagogiques. Mais la séparation totale de l’action syndicale et des préoccupations pédagogiques est impossible ou hypocrite. A moins de s’opposer au principe même de l’expérimentation pédagogique, il est impossible de se prononcer sur la pertinence de tel ou tel projet sans regarder les objectifs et les méthodes qu’il entend mettre en œuvre.
Nous faisons une nette différence entre des dispositifs qui renforcent l’autoritarisme et les logiques sécuritaires (comme ECLAIR) et des projets qui entendent promouvoir la coopération. Refuser de faire cette différence, ce serait en pratique refuser toute expérimentation pédagogique collective ambitieuse.
Dans la mesure où nous sommes favorables à des expérimentations pédagogiques émancipatrices, dans la mesure où certaines d’entre elles supposent des dérogations aux règles normales du mouvement, la cohérence impose que nous défendions la possibilité de mesures dérogatoires pour des projets porteurs d’alternatives progressistes.
Cette position ne contredit en rien notre engagement contre le dispositif ECLAIR et contre l’arbitraire de l’administration. Bien au contraire, ce sont là deux faces d’une même idée de l’école : démocratique, égalitaire, solidaire, émancipatrice.